C’est un cas d’école où la mauvaise foi de certains se conjugue avec la mésentente entre voisins.
Lors d’une opération de construction d’une maison, un mur réalisé en gabions par le constructeur, et séparant deux fonds, s’était écroulé sur le terrain du voisin en 2013. Des procédures furent engagées par le propriétaire du mur contre l’entreprise chargée des travaux et, sans grande surprise ni originalité, le Tribunal judiciaire de Valence avait condamné à une importante indemnité l’entreprise fautive et le maître d’œuvre. Mais le propriétaire victorieux ne reconstruisit jamais le mur, estimant qu’il ne servait à rien en réalité et garda l’indemnité judiciaire pour la réaffecter à un autre projet.
Postérieurement (9 ans après l’écroulement, soit en 2022), le voisin vendit sa maison et le terrain qui va avec. Les nouveaux propriétaires élevèrent un nouveau litige, réclamant en justice la reconstruction du mur au motif que leur voisin avait été indemnisé « grassement » et que ce mur devait bien servir à quelque chose, puisqu’il avait été construit à l’origine… Ils exigeaient même que le nouveau mur soit en béton armé selon les préconisations de l’expert judiciaire de l’époque qui avait conclu que la reconstruction d’un mur en gros gabions à l’identique causerait les mêmes effets. Évidemment en 2023, l’indemnité obtenue en 2019 ne correspondait plus au coût réel du nouveau mur en béton. Le propriétaire refusa donc de reconstruire.
Dans le même temps, les nouveaux voisins voulaient dissuader le propriétaire du mur écroulé de réaliser une nouvelle maison - destinée à de la location - sur le reste de son terrain.
Curieusement, le premier juge leur avait donné raison en condamnant à la reconstruction du mur alors qu’aucun nouveau trouble anormal de voisinage n’était survenu depuis 10 ans et que nous invoquions la prescription de l’action. C’était le point juridique du dossier.
La Cour d’appel de Grenoble a infirmé totalement la décision du Tribunal judiciaire de Valence en déboutant les nouveaux voisins belliqueux (et en les condamnant à 2500 € de frais de procès) en rappelant tout simplement les textes et une jurisprudence constante que le cabinet invoquait déjà en première instance :
- Pas de préjudice, pas d’action : la situation de l’ancien mur n’a plus causé de dommage sur le fonds voisin. Aucune aggravation du désordre initial. Toute action était donc non fondée sur l’existence d’un trouble anormal ;
- Il n’y a aucune obligation de remploi des indemnités allouées par le juge, car elles constituent des dommages-intérêts ;
- La prescription quinquennale de l’action était bien acquise car les adversaires connaissaient les détails de l’effondrement du mur en 2013, tout en étant relaté dans leur acte notarié d’acquisition.
Cour d’appel de Grenoble, 1ère chambre civile, 19 novembre 2024, SCI Beausseret Nord et SCI Beausseret Sud, RG 24/01917