Les vices de construction et autres non-conformités en matière de droit de la construction poussent les professionnels (les assureurs des maîtres d’œuvre et des entreprises responsables, et leurs avocats) à faire preuve d’un grand optimisme pour chercher à s’exonérer de leurs responsabilités, et notamment du paiement des travaux de réparation.
L’imaginaire juridique, qui se veut stratégique (ou miraculeux), est une facette qui se heurte à la réalité des tribunaux.
La - soi-disant - bonne idée consiste, en droit de la construction, à faire travailler a posteriori un expert privé pour contrer l’expert judiciaire qui a rendu un rapport défavorable car relevant la responsabilité de l’entreprise assurée. Le rapport de l’expert privé vise aussi à obtenir une contre-expertise judiciaire (c’est-à-dire la désignation d’un nouvel expert judiciaire dans l’espoir que ce dernier contrarie le premier !).
Mais ce n’est pas aussi simple : seul le tribunal dispose de la compétence pour tirer les conséquences juridiques d’un rapport d’expertise judiciaire, s’agissant de la mise en œuvre ou non par exemple de la garantie décennale. A ce titre, il peut fonder sa décision sur tout autre élément de preuve, notamment un rapport d’expertise privé, à la double condition que celui-ci soit soumis à la contradiction et qu’il soit corroboré par d’autres éléments de preuve.
Or les rapports d’expertise privé rédigés postérieurement à une expertise judiciaire ne sont jamais contradictoires car les parties n’ont aucune raison ni obligation de participer à de nouvelles investigations techniques déjà réalisées dans le cadre d’une procédure formalisée sous l’égide d’un expert désigné par le tribunal.
Et ainsi, dans un tel cadre, s’agissant d’une appréciation juridique, le tribunal doit légitimement refuser une contre-expertise en l’absence notamment de faits nouveaux (par exemple, aggravation des désordres sous-estimés factuellement et techniquement par l’expert judiciaire et/ou dont la cause n’est pas manifestement celle énoncée par l’expert).
Les clients mis en cause réclament souvent une contre-expertise : il faut savoir leur dire que la contre-expertise est un mirage procédural…
Tribunal judiciaire de valence, 26 septembre 2023, RG 20/02302