Vous avez mis en vente sur internet une maison en pierres, située en haute Ardèche en pleine nature au milieu de vieux châtaigniers, qui était une vieille étable du 18ème siècle, que vous avez "retapée" avec passion en engageant toutes vos économies. La petite étable, destinée aux vaches à l’époque, n’avait jamais été habitée. Grâce à vous, elle est devenue une confortable maison secondaire équipée en panneaux photovoltaïques sur l’extension de la partie arrière pour créer deux chambres supplémentaires, et vous avez même réalisé une piscine chauffée avec spa. La maison a pris de la valeur, elle est unique. Elle est passée de 50 m2 à l’origine à 120 m2 habitables. Vous avez même un puits pour l’eau potable.
Vous avez acquis cette étable il y a plus de 15 ans pour trois fois rien (comme on dit en Ardèche). Une belle plus-value en perspective, surtout qu’il fallait la dénicher…
Vous avez justifié auprès de l’administration fiscale de l'existence de la maison et de sa surface pour payer la taxe foncière (et la taxe d’habitation non supprimée pour les résidences secondaires).
Vous avez décidé de vendre. Votre acquéreur potentiel (ils sont nombreux à être intéressés, d’ailleurs) vous demande si vous avez une autorisation d’urbanisme pour les travaux effectués ou quelque chose d’équivalent (« pour être tranquille », dit-il).
Or, vous n’avez rien ! Pas d’autorisation particulière sollicitée auprès de la mairie pour le changement de destination de l’étable qui, d’un bien agricole, a été transformé en habitation. Le bâtiment date du 18ème siècle ; il existait donc avant la loi de 1943 créant et imposant les permis de construire. Pour autant, le changement de destination, près de trois siècles après, tombait sous le coup de la législation sur les permis de construire. Le changement de destination, même sans travaux, impose le dépôt d’une demande d'autorisation d'urbanisme (article R421-17 du code de l’urbanisme). Et vous avez encore réalisé une extension de plus du double de la surface initiale. En principe, en zone naturelle (N), zone où est situé le bien, l’extension des bâtiments d’habitation existants est limitée à 30 % de la surface initiale (dans la limite totale de 250 m2) : là encore, la règle n’est pas respectée et donc la situation n’est pas régularisable. Quand bien même la transformation de l’étable en habitation serait-elle autorisée, le non-respect de la superficie maximale interdirait toute régularisation globale.
Une demande de régularisation, en l’état, aboutirait nécessairement à un refus de permis de construire, en mettant en plus le focus sur votre construction illégale…
La situation positive de cette étable « habitable » dotée d’une piscine et d’un jacuzzi, c’est que les travaux avaient tous été achevés il y a plus de 11 ans, factures des entreprises à l’appui. Vous pouvez donc bénéficier de la prescription de 10 ans prévue par l’article L480-14 du code de l’urbanisme. Toute action civile de la part de la commune en démolition ou remise en état serait donc irrecevable (l’action pénale se prescrivant par 6 ans).
En d’autres termes, votre construction n’est pas légale, mais vous ne risquez plus rien. Elle existe et vous pouvez même la vendre.
Pour le coup, demeure la question de rassurer votre acquéreur qui risque de vous dire : " Mais si la maison brûle, est-ce que je pourrais la reconstruire ? ".
Non, évidemment (et c’est un autre sujet donnant lieu à d’autres recommandations).
Alors la meilleure chose, c’est de tout dire et de tout expliquer par écrit pour éviter par la suite une demande d’annulation de la vente par l’acquéreur pour défaut d’information du vendeur, en violation des dispositions de l’article 1112-1 du code civil (cet article est repris dans tous les actes notariés de vente). Il est donc recommandé de rédiger une clause particulière (et pas une clause de style) en la matière et de fournir les justificatifs de l’écoulement du délai de 10 ans de l’article L 480-14 du code de l’urbanisme.
Mais encore, pour pallier le risque du défaut de reconstruction en cas d’incendie, faites certifier l’installation électrique par un bureau d’études spécialisé. Si l’acquéreur rechigne encore, il faudra alors baisser le prix de vente pour prendre en compte le risque de non-reconstruction en cas d’incendie.