Il est fréquent qu’un particulier, propriétaire d’une maison ou d’un immeuble locatif, fasse directement et personnellement des travaux, ou les fasse faire par une entreprise. Lorsqu’il vend son bien, il est tenu à l’égard de son acquéreur à la responsabilité décennale de l’article 1792 du code civil pour les désordres de nature décennale (atteinte à la solidité de l’immeuble ou à sa destination).
S’il a réalisé quelques travaux de toiture (qui recouvrent la charpente et la couverture) par des réparations ponctuelles et que par la suite des infiltrations d’eau graves apparaissent, il peut être tenu à garantie. La situation devient délicate s’il apparait que la charpente doit être entièrement refaite par exemple. Elle l’est d’autant plus si le vendeur a fait lui-même les réparations de fortune, car il n’est pas assuré à ce titre en tant que particulier. L’assurance responsabilité civile habitation ne le couvrira pas. S’il a fait intervenir une entreprise, c’est l’assurance décennale de cette dernière qui le couvrira indirectement.
Le « danger » tient à ce que l’acquéreur réclame la totalité des réparations des désordres (infiltrations par exemple) sans se préoccuper de l’importance des travaux réalisés par son vendeur ; par exemple, en l’espèce, une demande en justice à l'encontre du vendeur portant remplacement total de la couverture et de la charpente en état de délabrement, alors que le vendeur n’avait changé qu’une vingtaine de tuiles. Attention : la question du devoir d’information obligatoire du vendeur en cas d’entrées d’eau (ou tout autre désordre) malgré la réalisation de ces petits travaux, est un autre sujet.
La Cour de cassation a clarifié un principe dans un arrêt du 19 décembre 2024 : le vendeur ou le locateur d’ouvrages n’est tenu à une responsabilité décennale en cas de désordres que si ceux-ci sont imputables aux travaux qu’il a réalisés. Si un désordre d’infiltrations généralisé apparaît après la vente, le juge doit rechercher si ce désordre a été causé ou aggravé par les travaux de réparation du vendeur, ou s’il était imputable à l’ouvrage existant (c’est-à-dire avant travaux). Cela s’avère donc favorable en théorie au vendeur, qui n’est pas cependant à l’abri des conclusions d’une expertise judiciaire en sa défaveur…
Encore une fois, il faut être un vendeur prudent et diligent et exiger du notaire de porter les mentions spéciales nécessaires dans l’acte de vente. De façon plus générale, il est également prudent de ne pas faire soi-même des travaux pouvant engager sa responsabilité décennale, alors qu’en tant que particulier, on n’a pas d’assurance décennale (ce qui signifie ne pas faire soi-même de travaux de toiture, ne pas construire de mur de soutènement, ne pas construire une extension à l’habitation, etc...).
Ces quelques conseils peuvent éviter des désagréments, et surtout de graves déboires financiers…
Source : Cour de cassation, 19 décembre 2024, pourvoi n° 23-15039