Le plus souvent, les artisans et les entreprises du bâtiment souscrivent leurs assurances professionnelles auprès d’un courtier local.
Si ce courtier en assurances a été malhonnête et/ou incompétent (car il peut aussi placer des assurances auprès d’un autre courtier grossiste en assurances qui lui propose les contrats avec la compagnie d’assurances), il est susceptible d'avoir établi une attestation d’assurance trompeuse dont s'est servie l’entreprise du bâtiment de bonne foi auprès de ses clients. En pratique, l’attestation fait alors état d’un contrat d’assurance inexistant, c’est-à-dire qui n’a jamais été souscrit auprès de la compagnie d’assurances mentionnée (souvent étrangère). Le "pot aux roses" est en général découvert lorsqu’un sinistre survient.
Les conséquences sont graves : l’entreprise du bâtiment n’est pas assurée pour la responsabilité décennale des constructeurs. Elle peut déposer le bilan et au final, c’est son client, le propriétaire de la maison ou de l’appartement, qui a commandé les travaux, qui n’est pas indemnisé du coût des réparations. Le préjudice peut être très important (de l’ordre de plusieurs centaines de milliers d’euros) si les désordres sont graves et portent atteinte à la solidité de l’immeuble et/ou à sa destination (étanchéité, fissures…). Dès lors que l’entreprise du bâtiment n’est pas assurée, la compagnie d’assurances refuse légitimement d’indemniser.
L’artisan et le propriétaire qui a subi les dommages doivent alors se retourner judiciairement contre le courtier d’assurances de détail (qui lui-même, s’il est de bonne foi, pourra se retourner contre son grossiste en assurances) pour le faire condamner. Le courtier de détail résiste le plus souvent en soutenant qu’il n’est pas un assureur mais un commerçant.
Dans la présente affaire, le courtier a commis 2 fautes : il a d'abord trompé l’artisan en lui laissant croire qu’il était assuré - il s’agit d’une responsabilité contractuelle. La 2ème faute est de nature délictuelle : par la faute du courtier, le client de l’artisan n'a pu être indemnisé par la compagnie d’assurances pour les désordres subis ; le client a donc droit à une indemnisation pour perte d’une chance d’obtenir l’indemnité d’assurance décennale (99% de l'indemnité).
Le courtier d’assurances est ainsi responsable, et ce peu importe qu’il n’ait pas la qualité d’assureur ; c’est lui qui paiera le coût de réparation des désordres. En espérant qu’il soit lui-même assuré pour ses fautes professionnelles, pour le cas où il déposerait le bilan et serait placé en liquidation judiciaire…
Tribunal judiciaire de Valence, 26 septembre 2023