Le nouveau droit des contrats de concession.
Le nouveau droit des contrats de concession : l’ordonnance du 29 janvier 2016
L’ordonnance relative aux contrats de concession a finalement été adoptée le 29 janvier 2016 sous le numéro 2016-65 et publiée au journal officiel du 30 janvier 2016.
Elle est nettement différente du projet d’ordonnance qui avait donné lieu aux explications en réunion du 18 janvier 2016.
Le décret relatif à ces contrats de concession a quant à lui été adopté le 1er février 2016, et publié le lendemain au JO.
Cette ordonnance sur les contrats de concession est une transposition en droit interne de la directive Européenne « concession » publiée le 28 mars 2014 au JOUE et qui devait être transposée au plus tard le 18 avril 2016 (l’ordonnance du 29 janvier 2016 indique ainsi que son entrée en vigueur sera fixée par voie réglementaire au plus tard le 1er avril 2016).
1/ LIBRE CHOIX DES POUVOIRS ADJUDICATEURS POUR CONCÉDER DES TRAVAUX OU GÉRER DES SERVICES
Le titre préliminaire précise dans l’article 4 que « les autorités concédantes sont libres de décider du mode de gestion qu’elles estiment le plus approprié pour exécuter des travaux ou gérer des services. Elles peuvent choisir d’exploiter leurs services publics en utilisant leurs propres ressources ou en coopération avec d’autres autorités concédantes, ou de les concéder à des opérateurs économiques. »
L’article 5 de l’ordonnance définit les contrats de concession comme des contrats « conclus par écrit, par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes soumises à la présente ordonnance confie l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix. »
Le second alinéa de l’article 5 définit la part de risque transféré et mentionne qu’elle « implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitations normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts qu’il a supportés, alliés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service. »
Il s’agit ici d’une reprise des anciennes règles en matière de DSP, selon lesquelles le délégataire exploitait « à ses risques et périls », la nouvelle ordonnance s’attachant à imposer l’existence d’un véritable risque d’exploitation supporté par le concessionnaire.
2/ CONCESSION DE TRAVAUX ET CONCESSION DE SERVICES (PUBLICS)
L’article 6 de l’ordonnance distingue les contrats de concession de travaux et les contrats de concession de services.
Les contrats de concession de travaux portent sur :
– soit l’exécution, soit la conception et l’exécution de travaux « dont la liste est publiée au journal officiel de la république Française » (ce qui renvoie au décret sur les contrats de concession) ;
– soit la réalisation, soit la conception et la réalisation par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’autorité concédante (un ouvrage est le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique).
L’article 6-III précise logiquement que les contrats de concession de services « ont pour objet la gestion d’un service » et qu’ils « peuvent consister à déléguer la gestion d’un service public ». Il est encore mentionné que lorsque un contrat de concession « porte sur des travaux et des services, il est un contrat de concession de travaux, si son objet principal, est de réaliser des travaux ».
3/ DÉTERMINATION DES PERSONNES PUBLIQUES ET PRIVÉES SOUMISES A L’ORDONNANCE
L’article 9 définit classiquement les pouvoirs adjudicateurs comme étant des personnes morales de droit public et, ce qui est novateur, « les personnes morales de droit privé qui ont créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial dont, soit l’activité financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur, soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur, soit l’organe d’administration de direction de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ; les pouvoirs adjudicateurs sont encore des organismes de droit privé « dotés de la personnalité juridique constitué par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun ».
En vertu de l’article 10, les opérateurs de réseau sont dénommés « entité adjudicatrice ».
L’article 13 définit les exclusions applicables aux contrats de concession passés par les pouvoirs adjudicateurs suivant une liste qui est identique à celle figurant dans l’ordonnance sur les marchés publics.
L’article 16 traite de la quasi-régie (les anciens contrats in-house).
4/ MODES DE PASSATION DES CONTRATS DE CONCESSION
Le titre II de l’ordonnance est consacré aux règles de passation des contrats de concession.
S’agissant de la mise en concurrence, l’article 36 pose la règle selon laquelle :
« L’autorité concédante organise librement la procédure qui conduit au choix du concessionnaire, dans le respect des principes énoncés à l’article 1er de la présente ordonnance (égalité de traitement des candidats et transparence des procédures), des dispositions du présent chapitre et des règles de procédure fixées par voie réglementaire » (c’est donc le décret sur les concessions qui donne les règles précises d’application).
Si l’on se reporte ainsi au décret relatif aux contrats de concession, on peut retenir (l’article 6 du décret opérant un renvoi à l’article 34 de l’ordonnance) que dans le domaine de l’eau potable, de l’assainissement, des ordures ménagères et autres déchets, les contrats de concession ne peuvent avoir une durée supérieure à 20 ans, sauf examen préalable par le Directeur Départemental des Finances Publiques à l’initiative de l’autorité concédante des justificatifs de dépassement de cette durée.
La valeur estimée du contrat de concession est définie par l’article 7 du décret du 1er février 2016 et prend en compte :
– La valeur de toute forme d’option et les éventuelles prolongations de la durée du contrat ;
– Les recettes perçues sur les usagers des ouvrages ou des services, autres que celles collectées pour le compte de l’autorité concédante ou d’autres personnes ;
– Les paiements effectués par l’autorité concédante ou toute autre autorité publique ou tout avantage financier octroyé par l’une de celle-ci au concessionnaire (subvention publique d’investissement par exemple) ;
– La valeur des subventions ou de tout autre avantage financier octroyé par des tiers pour l’exploitation de la concession ;
– Les recettes tirées de toute vente d’actif faisant partie de la concession ;
– La valeur de tous les (sic) fournitures et services mis à la disposition du concessionnaire par l’autorité concédante, à condition qu’ils soient nécessaires à l’exécution des travaux ou à la prestation des services ;
– Toutes primes ou tous paiements au profit des candidats ou des soumissionnaires ;
Il faut noter que la valeur du contrat de concession à prendre en compte pour l’application des seuils « est celle estimée au moment de l’envoi de l’avis de concession » (article 8 du décret).
L’article 24 du projet d’ordonnance prévoyait qu’au-delà d’un certain seuil (le projet de décret fixait ce seuil à 100 millions d’euros) il était nécessaire de procéder à un comparatif des différents modes envisageables de réalisation du projet avec une évaluation du choix du mode de réalisation du projet.
L’ordonnance définitive du 29 janvier 2016 ne reprend pas cette mesure.
Le deuxième alinéa de l’article 36 relatif aux règles de mise en concurrence mentionne simplement « ces règles relatives notamment aux modalités de présentation et d’examen des candidatures et des offres, peuvent être communes à l’ensemble des contrats de concession ou propres à certains d’entre eux en fonction de l’objet du contrat ou de la valeur estimée hors taxes du besoin selon que celle-ci est inférieure ou non au seuil européen publié au journal officiel de la République Française. »
L’ordonnance définitive prévoit qu’il est possible d’organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires, sous réserve de respecter un certain nombre de conditions qui seront fixées par le décret (article 46 de l’ordonnance).
L’attribution du contrat de concession est effectuée au soumissionnaire qui a présenté « la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution » (article 47 de l’ordonnance).
Le même article 47 de l’ordonnance prend soin de préciser que les critères d’attribution « n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l’autorité concédante et garantissent une concurrence effective ».
Le décret sur les contrats de concession (article 22) prévoit que l’autorité concédante peut limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre et fixer le nombre minimum et le nombre maximum de candidats sélectionnés.
Le décret, dans son article 10, prévoit par ailleurs une procédure simplifiée pour la passation des contrats de concession dont la valeur estimée est inférieure au seuil européen publié au JO.
5/ LE LIEN ENTRE LA CONCESSION DE TRAVAUX ET UN BEA OU UNE AUTORISATION D’OCCUPATION TEMPORAIRE DU DOMAINE PUBLIC
Le nouvel article L. 1311-2 du CGCT (porté par l’article 101 II de l’ordonnance numéro 2015-899 du 23 juillet 2015) prévoit pour les BEA que « dans le cas où un tel bail serait nécessaire à l’exécution d’un contrat de la commande publique, ce contrat prévoit dans le respect des dispositions du présent code, les conditions d’occupation du domaine ».
Quant aux autorisations d’occupation temporaire du domaine public, l’article L. 1311-5 du CGCT dans sa version en vigueur à compter du 1er avril 2016 précise que « dans le cas où une autorisation d’occupation temporaire constitutive de droit réel serait nécessaire à l’exécution d’un contrat de la commande publique, ce contrat prévoit, dans le respect des dispositions du I et du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques, les conditions de l’occupation du domaine. »
Ces dispositions interdisent désormais de conclure un BEA et ou de délivrer une autorisation d’occupation temporaire du domaine public pour exécuter une prestation de service ou commander des travaux, sans mise en concurrence préalable.
Il devient obligatoirement nécessaire, dans le cadre de la mise en concurrence préalable, notamment par exemple lors de la passation d’un contrat de concession, que soit prévu le mode de mise à disposition du terrain appartenant à la personne publique concédante (BEA ou autorisation d’occupation temporaire constitutive de droits réels).
Didier CHAMPAUZAC – AVOCAT