Le droit de préemption d’une commune ou d’une intercommunalité vise à satisfaire l’intérêt général, mais les préemptés ne le perçoivent pas forcément de cette manière et ont tendance à imaginer des montages juridiques pour y échapper.
Le droit de préemption du preneur d’un bien rural est similaire quant à son étendue à l’égard du préempté, mais sans la motivation ; sa situation de preneur en place suffit à justifier l’exercice du droit, alors que la commune qui veut préempter doit justifier d’un projet d’intérêt général.
Un arrêt de la Cour de cassation, rendu pour un preneur rural, est cependant facilement transposable pour une commune qui préempte, car il porte sur les conditions d’étendue du droit à l’égard du préempté (au cas d’espèce une SCI).
La SCI en difficulté financière avait été dissoute et un liquidateur avait été chargé de liquider/partager entre les associés l’actif social (un ensemble de terrains) pour assainir financièrement la société. L’un des associés voulait ainsi reprendre en pleine propriété le bien rural à charge pour lui de solder les dettes de la SCI. Le preneur à bail rural des biens, en place, a alors voulu préempter. La Cour d’appel de Montpellier l’avait débouté au motif que la préemption du fermier ne peut s’exercer qu’en cas d’aliénation volontaire d’un bien et que le partage anticipé des biens entre associés dans le cadre d’une liquidation amiable de la société pour apurer le passif social, ne constitue pas une aliénation volontaire.
L’erreur de droit était flagrante.
La Cour de cassation a jugé, au contraire de la Cour de Montpellier (et a donc cassé son arrêt), que la vente d’un bien dépendant de l’actif d’une société à l’un des associés à la suite de l’ouverture des opérations de liquidation de la société (motivée ou non par le comblement du passif social) constitue bien une aliénation volontaire soumise au droit de préemption. Il en aurait été autrement si lors de la clôture des opérations de liquidation de la SCI, le bien avait été attribué à l’un des associés au titre du boni de liquidation. Mais par définition, au cas d’espèce, il ne pouvait y avoir de boni de liquidation pour une société en difficultés financières qui devait éponger ses dettes et recevoir ainsi du "cash" (les associés ne peuvent apporter du compte courant à une société en liquidation).
En principe, cette solution serait la même en cas de préemption (exercice du droit de préemption urbain) par une commune d’un bien immobilier vendu en cours de liquidation par une société (quelle qu’en soit la forme juridique évidemment) à l’un de ses associés pour éponger (ou non) le passif social.