Une Banque ne peut, sans autorisation expresse de son client, procéder pour son compte au paiement à un tiers – Procès gagné à la Cour d’appel de Nîmes
Une société française, cliente du Cabinet Champauzac, avait acheté 150 tonnes de châtaignes à une entreprise chilienne.
La Banque de la société chilienne avait adressé à la Banque de la société française une liasse de documents.
La Banque de la société française, face à l’apparence d’une remise documentaire (mécanisme de sécurisation des paiements dans les échanges commerciaux internationaux) avait immédiatement payé le prix de la vente des châtaignes à la Banque chilienne, pour la société chilienne, et débité le compte de sa cliente, la société française, d’une somme avoisinant les 100 000 €.
Le compte de la société française n’étant pas suffisamment crédité pour payer cette somme importante, il fut à découvert de près de 100 000 € également.
La société française ne disposant d’aucun découvert consenti, la Banque française clôtura son compte débiteur, et saisit le Tribunal de commerce d’Aubenas afin qu’il la condamne à lui payer ladite somme de près de 100 000 €.
La Banque de la société française soutenait que dans le cadre d’une remise documentaire, elle avait « été contrainte de payer irrévocablement » la Banque chilienne.
Toutefois, aucun contrat mettant en place une remise documentaire n’avait été signé par la société française. De même, aucun ordre exprès quel qu’il soit n’avait été donné à la Banque française pour qu’elle procède au paiement de la cargaison de châtaignes à la Banque chilienne de la société chilienne.
La Cour d’appel de Nîmes a donc confirmé le jugement rendu par le Tribunal de commerce d’Aubenas, et souligné la légèreté de la Banque de la société française, en considérant en l’espèce que « la Banque ne pouvait sans autorisation de découvert préalable, sans contrat de financement, sans accord exprès ou tacite, procéder pour son compte au paiement à un tiers. »
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes est particulièrement motivé :
« Attendu qu’en définitive la Banque se prévaut à tort au soutien de son appel :
– Sans convention internationale connue de son client et en tous cas connu d’elle-même ;
– D’une clause implicite de remise documentaire, qui pourtant ne se présume pas ;
– Malgré réserves et dénégation explicites de son client de l’existence d’une remise documentaire ;
– D’une « remise documentaire » dont elle n’a pas même respecté une des obligations fondamentales : la livraison des documents sous la condition nécessaire, impérative et exclusive, d’un paiement immédiat »
La Cour d’appel a ainsi rejeté les demandes de la Banque française et la société française n’a pas été condamnée à rembourser la somme de près de 100 000 € versée bien légèrement à son fournisseur chilien, alors que la société française n’avait donné aucun ordre écrit en ce sens.
Le cas d’espèce concernait, selon la Banque française, une « remise documentaire ».
Mais le principe rappelé par la Cour d’appel de Nîmes est beaucoup plus général, et a une portée bien plus large : une Banque ne peut « sans accord exprès ou tacite de son client, procéder pour son compte au paiement à un tiers. »